Anastasia Steele — une libertine malheureuse ?

Fév 20 • Femme libertine • 4890 Views • Aucun commentaire sur Anastasia Steele — une libertine malheureuse ?

La folie autour des livres de E.L. James a large­ment dépassé le suc­cès de “Twil­light”. Le film tourné par Sam Tay­lor-John­son, con­nue comme pho­tographe et artiste vidéo sous son nom de jeune fille Tay­lor-Wood, est dans les salles de 60 pays, par­ticipe au fes­ti­val ciné­matographique de Berlin et est analysé e par une armée de critiques.

Le site du jour­nal The Tele­graph annonce que les mag­a­sins des arti­cles de ménage bri­tan­niques ont reçu la recom­man­da­tion d’aug­menter leurs stocks de cordes et du ruban isolant, car après la pub­li­ca­tion du pre­mier livre la demande de ces arti­cles a boosté, on attend la même chose après le film.

Mais le prob­lème est que le film lui-même est dou­teux et super ennuyant — on dirait une con­struc­tion exsan­guée d’un drame sur les rela­tions, qui aurait pu être entr­er dans la caté­gorie de guilty plea­sure, avec plus d’insolence.

50 Shades of Grey

Le sujet de “50 nuances de Grey” est con­nu en général même à ceux qui n’ont pas lu le roman: l’é­tu­di­ante de la fac­ulté de belles let­tres Anas­ta­sia Steele inter­viewe le mil­liar­daire char­mant Chris­t­ian Grey, il la drague, l’emmène dans un un vol en héli­cop­tère, offre une voiture et un Mac­book, puis au moment d’in­tim­ité ouvre la pièce rouge écla­tante de BDSM, avoue être dom­i­nant et pro­pose de sign­er un con­trat pour devenir sa femme dom­inée. Le temps qu’elle réflé­chit, il tombe amoureux d’elle encore plus, la présente à sa mère et peu à peu dépose le monde entier à ses pieds. Le livre même abonde en scènes de sexe décrites au nom de la per­son­nage prin­ci­pale, rich­es en métaphores et épithètes et à la fois anatomique­ment détail­lées pour en pren­dre exem­ple. Dans le film ces moments croustil­lants ont cédé la place à une admi­ra­tion stérile: quelques épisodes du sexe assez longs sont tournés en détail mais avec la pru­dence que cer­tains cri­tiques anglo­phones définis­sent comme hop­less­ly soft­core et dra­mat­icly mild. Les corps des beaux acteurs Jamie Dor­nan et Dako­ta John­son sont facile­ment exam­inables, mais dif­fi­cile de trou­ver au-delà quelque chose de vif.

Le film est louangé pour avoir retourné le sexe dans la dif­fu­sion en masse. Pour­tant cela n’ap­porte pas grand chose: ayant annon­cé ce thème provo­ca­teur, le film s’en est éloigné et s’est noyé dans une flaque de rêver­ies de fil­lette banales. Le con­flit n’évolue pas même avec le bud­get de 40 mil­lions dol­lars ! Tout le monde fait sem­blant que ce film tourne auour la com­préhen­sion et pas le sexe. Les per­son­nages n’ar­rivent pas com­pren­dre eux-mêmes et les auteurs ne les aident pas. Les mêmes répliques se bal­an­cent dans les mêmes intérieurs.

Ce n’est pas mau­vais juste parce que ennuyant. Rien n’est prob­lé­ma­tisé, mais quelque chose est imposée. Ain­si, le désir de lier les poignets du parte­naire sex­uel avec un lacet de soie est défi­ni comme sûre­ment anor­mal. La pau­vre Ana se tour­mente non parce qu’elle essaie de com­pren­dre ou aimer son maître mais parce qu’elle attend juste que Grey devi­enne “nor­mal” pour elle. Et c’est tout. Les femmes vic­times d’amour qui ont vraiement souf­fert dans d’autres films, par exem­ple ‘Le dernier tan­go à Paris” ou “9 semaines 1/2” auraient le droit de lui annon­cer un boy­cottage professionnel.

50 Shades of Grey

En voy­ant les scènes dans la cham­bre pleine de menottes et grumes, il est logique de sup­pos­er que pen­dant qu’on la fou­ette douce­ment sous le hit lan­goureux de Beoy­once, Anas­ta­sia pour­rait déjà com­pren­dre ce que c’est en fait. Mais elle n’a pas com­pris ! Elle s’en­fuit dès qu’il la fou­ette avec une cein­ture en cuir. En même temps l’im­age fémin­iste ne lui est pas pro­pre non plus. Si c’est pos­si­ble de tir­er une con­clu­sion sur la posi­tion de la réal­isatrice avec tout ces faits, elle serait de présen­ter le per­son­nage prin­ci­pal comme un con malade juste car il pro­pose le sexe sous une forme spé­ciale et selon l’ac­cord mutuel, en pré­cisant chaque fois que la parte­naire ne va pas souf­frir sérieuse­ment. Et il faut lui refuser non parce que ce n’est pas ce qu’il te faut, mais car en général il est impos­si­ble de vivre comme ça. Ce n’est pas la meilleure con­clu­sion à notre époque de tolérence… Et si Chris­t­ian embras­sait un homme devant Ana ?

En tout cas, d’ailleurs, le film ne motive pas à tir­er des con­clu­sions. Si 50 nuances de Grey restaient du fan­f­ic sans pré­ten­dre être un drame sérieux, pas de ques­tions à se pos­er ! Le même objec­tif — juste sat­is­faire les fan­taisies de spec­ta­teur — est pour les films porno qui aurait pu aus­si sauver le film et annuler les ques­tions aux intérieurs du même type, aux dia­logues stu­pides et car­ac­tères non dévelop­pés. Mais c’est pour une autre généra­tion de fans ! Cha­cun décide pour lui — acheter le café décaféiné, la bière zéro alcool ou voir un film asex­uel sur le sexe.

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